La bonté quand elle se fait miséricorde
Madeleine Delbrêl
J’étais dans une grande ville, il y a plusieurs années, à l’étranger, c’étaient les dernières heures de quelques jours passés là. Je n’avais presque plus d’argent, j’étais très lasse… (…)
Je marchais depuis plusieurs heures dans les rues pour attendre le moment du train. Pourquoi ne pas dire que je pleurais ? Je ne m’inquiétais pas et attendais que ça passe. Étrangère. Inconnue. Un chagrin commun à tous les hommes, qui sue les larmes, comme certains travaux la sueur.
Il s’est mis à pleuvoir ; j’avais faim. Les pièces de monnaie qui me restaient fixaient ce à quoi je pouvais prétendre. J’entrai dans un minuscule café qui donnait aussi à manger. Je choisis ce que je pouvais adhérer : des crudités. Je les mangeai lentement pour les rendre nutritives et pour donner à la pluie le temps de finir. De temps en temps mes yeux s’égouttaient. Mais tout d’un coup, mes deux épaules ont été prises dans un bras réconfortant et cordial. Une voix me dit : « Vous, café. Moi, donner ». C’était absolument clair. (…)
J’ai souvent parlé de cette personne, pensé à elle, prié pour elle avec une reconnaissance inusable et aujourd’hui, cherchant la bonté en chair et en os, c’est elle qui s’est imposée à moi.
Car ce qui donne à cette femme valeur de signe chrétien, d’image lointaine mais fidèle de la bonté de Dieu, c’est qu’elle a été bonne parce qu’elle était habitée par la bonté, non parce que j’étais « des siens », familialement, socialement, politiquement, nationalement, religieusement. J’étais « l’étrangère » sans indice d’identité. J’avais besoin de bonté. J’avais même besoin de la bonté quand elle se fait miséricorde ». Elle m’a été donnée par cette femme.
Aujourd’hui, elle est un exemple absolu de la bonté parce que j’étais « n’importe qui » et « n’importe quoi » et que ce qu’elle m’a fait elle l’a fait parce que la bonté était en elle, non pour ce que j’étais moi. Dans son acte, je trouve tout ce que la bonté doit être pour être la bonté.
Extrait de Nous autres, gens des rues, Madeleine Delbrêl, éd. du Seuil, 1995, pp. 157-158
Madeleine Delbrel (1904 – 1964)
Assistante de service social à Ivry-sur-Seine. Essayiste et poétesse
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J’ai souvent parlé de cette personne, pensé à elle, prié pour elle avec une reconnaissance inusable et aujourd’hui, cherchant la bonté en chair et en os, c’est elle qui s’est imposée à moi.
Car ce qui donne à cette femme valeur de signe chrétien, d’image lointaine mais fidèle de la bonté de Dieu, c’est qu’elle a été bonne parce qu’elle était habitée par la bonté, non parce que j’étais « des siens », familialement, socialement, politiquement, nationalement, religieusement. J’étais « l’étrangère » sans indice d’identité. J’avais besoin de bonté. J’avais même besoin de la bonté quand elle se fait miséricorde ». Elle m’a été donnée par cette femme.
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Extrait de Nous autres, gens des rues, Madeleine Delbrêl, éd. du Seuil, 1995, pp. 157-158
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